lundi 9 mai 2011

Une Rajhirinade tourne à une affaire d’état


Par Dr rafik boujdaria





Les centaines  d’articles, les milliers de commentaires sur les réseaux sociaux et les dizaines d’heures d’antenne, les manifs et tout ce qui se passe depuis deux jours dans tout le pays après les déclarations de Mr Farhat Rajhi sonnent la fin de la période romantique du post 14 janvier et annoncent le début des choses sérieuses voire graves qui nous guettent et qui risqueront de prendre en otage non seulement notre quotidien, fait d’un mélange d’opti-pessimisme , mais surtout notre futur et c’est là que ça fera très, très mal .

Les réactions de notre classe politique n’ont pas échappé à une logique partisane déplorable en ces moment difficiles : il y en a ceux qui ont rajouté de l’huile sur le feu à la manière des pyromanes  et ceux qui, dans une timidité douteuse, apportent leur soutien au gouvernement sans jamais critiquer celui-ci sur sa feuille de route ni sur sa relation avec la haute instance et encore moins sur ses prestations en matière de transition démocratique.

Nous avons entendu sur une radio privée, un chef de parti affirmer que la haute instance est manipulée par une organisation américaine appartenant à la CIA et spécialisée dans l’avortement des révolutions !!! Nous avons  lu  aussi les déclarations de l’extrême-gauche et de la gauche extrême  qui affirment que les déclarations de M. Rajhi viennent confirmer leurs analyses antérieures concernant le danger que représente encore le système de la dictature toujours en place sur la révolution appelant les tunisiens à faire face aux forces occultes  de la contre-révolution !!!
Le parti Ennahdha qui s’est toujours plaint des  tentatives visant à l’affaiblir appelle l’armée à respecter le caractère civil  de l’état et de ne pas s’immiscer dans les affaires politiques(sic).

Ces déclarations ont donné du crédit aux propos de Mr Rajhi poussant la rue à  s’enflammer et les nombreux incidents signalés un peu partout dans le pays sont la suite logique de cette potion révolutionnaire servie par les soins de notre classe politique après une tragique Rajhirinade !!!

Ces déclarations ont poussé enfin  un homme fréquemment cité, à apparaître dans les média et à prendre enfin la parole, il s’agit de Mr Kamel Eltaief  longtemps présenté comme un homme de l’ombre…

Mais à qui profite ce coup de force et cette Rajhirinade ? À tous ceux qui veulent affaiblir le gouvernement Caïd Essebsi pour le faire tomber, Rajhi serait il leur alternative ? A ceux qui veulent retarder les élections de la constituante et ils sont nombreux ? Ou bien à ceux qui veulent revenir à travers le chaos ? A qui profite cette gabégie ? certainement à ceux qui ne veulent rien partager, vraisemblablement à ceux  qui n’ont pas de quoi convaincre et probablement à ceux qui estiment être plus efficaces dans la peau du persécuté afin de cacher leur nature de persécuteur.

Un nouveau coup de force est en marche contre le gouvernement qui, par ses dérives populistes, est tombé dans son propre piège. Peu importe l’avenir personnel de M.M. Rajhi et Caïd Essebsi. Par contre, ce qui nous intéresse, c'est  le devenir de la révolution qui a était faite au nom de la dignité et de la liberté et qui risque de tourner à une nouvelle dictature qui viendra pour faire respecter l’ordre et sauvegarder l’intérêt suprême de la nation ….

La Rajhirinade tourne à une affaire d’état et la Tunisie est en passe de devenir un cas d'école pour ceux qui veulent changer un ordre établi puisqu'on dira qu’encore une fois une révolution accouche d’une dictature et qu'il vaut mieux garder « les nôtres ».

Mais qui a fait le lit de tous ces agissements ? Rajhi, mais avant lui ne faut-il pas revenir à la feuille de route de Mr Caïd Essebsi  qui, pour agir « en bon politique chevronné » avait succombé aux charmes de la constituante et pour asseoir sa légitimité, avait fait de la haute instance un contre pouvoir révolutionnaire, alors que la légitimité des uns et des autres faisant défaut, il fallait  faire repartir le pays sur une base légitime ? Ceux qui ont crié au scandale d’une élection présidentielle et d’une constitution recousue,  qu’offrent-ils aujourd’hui au peuple, la sécurité, le travail, ou bien une vision politique claire. ?

Rien de cela, ils offrent l’image déplorable de partis en course pour le pouvoir, rien que le pouvoir. Les discussions interminables sur l’article 15 nous ont fait oublier la loi électorale elle-même , le peuple sera peut- être appelé aux urnes le 24 juillet prochain pour choisir les pères fondateurs  parmi des candidats qu’il ne connaît pas suffisamment à travers leurs programmes mais qu’il connaît fort bien à travers leurs surenchères politicardes et leurs défenses extrêmes des objectifs de la révolution qu’aucun d’ailleurs n’a défini. Jouant sur cet amalgame et cet imbroglio, notre classe politique a besoin de classe d’été pour mieux affronter l’automne. Faute de quoi, on aurait tous à l’entrée de l’hiver la gueule de bois. Celle-ci étant un sport national, y rajouter la gueule serait un exploit  dans les olympiades de l’égocentrisme et de la paranoïa des politiques , à bon entendeur salut .

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